A rebrousse-poil, nous avançons vers l’Orient, empruntant le chemin inverse des migrants, dans des conditions idéales, avec des passeports français en poche. Nous sommes des sortes de privilégiés. Mais la nature, plus forte que tout, gomme toutes les différences. Le ciel s’est assombri. La mer se déchaîne et nous restons coincés au milieu des autres véhicules.
La panique gagne vite les hommes. Tous les nouveaux arrivants, systématiquement, viennent nous voir en quête d’informations. Et nul ne sait. Seul le vent qui soulève les papiers gras qui jonchent le bitume sait et ose dire tout haut : aujourd’hui vous ne partirez pas ! Demain peut-être, on verra. Alors nous passons notre temps à observer tout ces petits trafics d’existence… Les couloirs jonchés de corps ensommeillés en quête de silence et de chaleur. Le ciel est gris. Le vent est frais. Le jour s’étire avec la lenteur du paresseux.
On s’enrichit malgré tout de cette attente. Adama appelle Algeciras, la ville optimiste. On a roulé 20 heures pour arriver ici et la Mer nous dit, vous ne partirez pas. Elle nous montre sa force. Nous ne sommes pas déçus. L’attente nous rassemble. Un véritable bric-à-brac ethnique sur le parking recrée des scènes de fin ou de début du monde, selon où l’on se place.
Et le lendemain, nous quittons l’Espagne par le ferry.
Nous allons traverser le détroit de Gibraltar, le Maroc, puis la Mauritanie…
L’immensité mordorée du Sahara qui s’étend tel un immense fil à linge entre les civilisations est un voyage initiatique. La route est sans cesse mangée par les langues dorées du désert. Des carcasses de voiture esseulées, comme des cadavres rongés par le temps, se décomposent dans des ocres sublimes de rouille, dans d’acérées gesticulations de métal. Comme des corps pétrifiés dans ce no man’s land au milieu de nulle part.
Nous vous laissons profiter avec vos yeux, de cette traversée qui nous a subjuguée. Nous reviendrons plus tard sur ce périple.



















